Le calendrier fait se télescoper deux conférences importantes relatives au désarmement nucléaires, qui de plus, entrent en résonance avec les débats liés à la guerre menée en Ukraine par la Russie.
1/ La 1ère Conférence d’examen du TIAN
Après plusieurs reports, la première Conférence des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) (En anglais TPNW Treaty on the Prohibition of Nuclear Weapons) se tiendra à Vienne du 21 au 23 juin 2022.
Le TIAN est entré en vigueur le 22 janvier 2021 suite à sa ratification par un minimum de 50 États (actuellement 60) [i] .Ce traité rend les armes nucléaires illégales (interdiction de la menace d’emploi, du financement…) et entraîne de nouvelles obligations (assistance aux victimes, réhabilitation des zones d’essais…) complète et confirme aussi l’importance des autres instruments juridiques internationaux (Traité de non-prolifération nucléaire, Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires).
La Conférence vise à mettre l’accent sur les conséquences humanitaires dévastatrices de l’utilisation des armes nucléaires et a donc fixé comme principaux objectifs, la mise en œuvre des obligations contenues dans le traité, obligations énoncées aux articles 6 (assistance aux victimes et réparation de l’environnement, 7 (coopération et assistance internationales) et 12 (universalisation du traité). La conférence est l’occasion de faire de l’assistance aux victimes une priorité centrale de ce traité de désarmement humanitaire. Une priorité centrale sera également donnée à l’assainissement de l’environnement dans les zones touchées par l’utilisation d’armes nucléaires ainsi qu’à la coopération et à l’assistance internationales nécessaires pour mettre en œuvre ces deux obligations. La conférence de Vienne vise également à universaliser le TIAN, c’est-à-dire à augmenter le nombre de pays qui y adhèrent.
La réunion de Vienne est ouverte aux États non-parties au Traité en qualité d'observateurs. La Norvège et l’Allemagne, membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord OTAN, ont annoncé, il y a quelques mois, leur intention d’y assister.
La France, elle, a annoncé son refus d'y participer lors de la réunion de la 1ère commission du désarmement de l'ONU en octobre 2021 [ii], conformément à sa position selon laquelle « le désarmement nucléaire se construit progressivement sur la base du principe de sécurité non diminuée pour tous ». À cette occasion, elle s’exprimait également au nom des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Fédération de Russie et de la Chine, et le représentant français a affirmé « Jamais nos pays ne signeront ni ne ratifieront ce traité, qui n’établit pas de nouvelles normes ».
Pour que la France modifie sa position, la campagne ICAN (“International Campaign to Abolish Nuclear Weapons”, Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires) France, conduite par de très nombreuses organisations, a lancé le 22 janvier 2022, une pétition pour demander au président de la République française de participer, en qualité d’observateur, à la première réunion des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires [iii].
2/ La 10e Conférence d’examen du TNP
La conférence d’examen du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire) a lieu tous les cinq ans. La dixième réunion devait avoir lieu à New York en mai 2020, mais a été reportée en raison de la pandémie de COVID-19 [iv].
Elle devait se dérouler du 4 au 28 janvier 2022. Finalement, selon l’agence Kyodo, citant des sources diplomatiques, l’événement pourrait avoir lieu entre le 1er et le 26 août 2022 à New-York [v].
Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires est un traité international historique, dont l’objectif est d’empêcher la propagation ou prolifération des armes nucléaires et de la technologie des armements, de promouvoir la coopération aux fins de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire et de favoriser la réalisation de l’objectif de désarmement nucléaire et du désarmement général et complet. Le Traité est le seul engagement contraignant pris par les États dotés d’armes nucléaires, dans le cadre d’un traité multilatéral, en faveur du désarmement [vi].
Le TNP, entré en vigueur en 1970, compte 191 États parties. Les cinq signataires sont les cinq États juridiquement reconnus comme « dotés de l’arme nucléaire » par le traité. Trois autres pays considérés comme détenteurs de la bombe atomique – Inde, Pakistan et Israël – sont non signataires. La Corée du Nord a pour sa part dénoncé le TNP [vii].
Le TNP bute sur l'application de son article VI, relatif au désarmement qui dispose que « chacune des Parties au Traité s'engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace »
Les puissances nucléaires repoussent depuis 50 ans sous des prétextes divers toute avancée concrète vers le désarmement nucléaire, ce qui motivé certains pays et organisations à s’engager dans une démarche qui a conduit à la conclusion du TIAN.
3/ Quels débats en 2022 ?
Le contenu de ces deux conférences à Vienne et New-York ne pourra pas ignorer le contexte de la guerre en Ukraine. Celle-ci a vu réapparaître le spectre de l’utilisation des armes nucléaires, soit par suite d’un incident, d’une erreur d’interprétation d’une alerte nucléaire, soit par escalade.
Les partisans de l’interdiction des armes nucléaires arguent que les armes nucléaires de l’Occident, de l’Otan, de la Grande-Bretagne, de la France n’ont pas dissuadé Vladimir Poutine d’envahir l’Ukraine. Demain, elles ne le dissuaderont pas d’aller plus loin, si tel était son projet.
Les pays de l’OTAN brandissent la menace d’une situation internationale chaotique pour au contraire conserver un potentiel d’armes nucléaires comme « ultime garantie ».
Rappelons que le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a lui-même tiré la sonnette d’alarme le 4 janvier 2022 dans une tribune. « Compte tenu du stockage de plus de 13 000 armes nucléaires dans les arsenaux du monde entier, combien de temps notre chance peut-elle durer ? », s’interrogeait-il. « L’anéantissement nucléaire est une épée de Damoclès : il suffirait d’un malentendu ou d’une erreur d’appréciation pour entraîner non seulement la souffrance et la mort à une échelle effroyable, mais aussi la fin de toute vie sur Terre » [viii].
Daniel Durand
Chercheur, Président de l’IDRP
[i]http://icanfrance.org/conference-premiere-reunion-etats-parties-tian-enjeux-objectifs/ consulté le 7 mai 2022 [ii]https://www.un.org/press/fr/2021/agdsi3675.doc.htm consulté le 7 mai 2022 [iii]ICAN, ibidem [iv]https://treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%20729/volume-729-I-10485-French.pdf consulté le 7 mai 2022 [v]https://theinquirer.fr/la-conference-sur-le-tnp-a-ete-reprogrammee-pour-aout-2022-levenement-pourrait-avoir-lieu-entre-le-1er-et-le-26-aout/ consulté le 7 mai 2022 [vi]https://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_sur_la_non-prolif%C3%A9ration_des_armes_nucl%C3%A9aires#D%C3%A9sarmement consulté le 7 mai 2022 [vii]https://www.un.org/fr/conferences/npt2020 consulté le 7 mai 2022 [viii]https://www.un.org/sg/fr/content/sg/articles/2022-01-04/nuclear-weapons-are-not-yesterday%E2%80%99s-problem-they-remain-today%E2%80%99s-growing-threatconsulté le 7 mai 2022
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